Le mail : un petit clic pour un grand choc écologique !
- 3 minutes d’utilisation du poste de travail associé.
- 1 Mo en moyenne de données transmises et donc stockées à plusieurs reprises, pour un certain temps.
- 15 000 kms parcourus en moyenne à travers les mailles du réseau internet, le message transitant par un nombre incalculable de nœuds du réseau, pour certains distants de milliers de kilomètres. (Source ADEME, Analyse comparée des impacts environnementaux de la communication par voie électronique, La face cachée du numérique)
1 salarié français, via ses usages numériques, émet 360kg d’équivalent CO2 par an.
Ceux-ci se décomposent selon les 3 principales activités que sont le mail, le stockage de données, les consultations web.
Chacune de ses activités a donc un impact environnemental majeur.
Concernant la messagerie, au niveau mondial, on a parlé pour l’année 2020 de 306 Milliards de courriels échangés par jour…oui…par jour.
Pour faire face aux conséquences dramatiques pour la planète de ce nombre astronomique, il devient urgent et impératif pour les usagers d’aller vers la sobriété numérique et d’adopter les bonnes pratiques au quotidien.
Après avoir constaté et décrété cela que faut-il faire en pratique pour limiter cet impact ?
En y regardant de plus près on s’aperçoit qu’il faut prendre la chaîne du mail dans sa globalité et non pas cibler uniquement les usagers.
En effet, les opérateurs, les hébergeurs et les fournisseurs ont un grand rôle à jouer à la fois en optimisant d’un point de vue énergétique leurs infrastructures mais également en encourageant auprès de leurs clients les bons usages.
Le mail : un moyen de communication énergivore et dépassé ?
L’ampleur des chiffres
En 2020 la consommation énergétique du numérique mondial représentait jusqu’à 4% des émissions de gaz à effet de serre (Source The Shift Project). En augmentation annuelle de 9% cette consommation devrait atteindre les 20 à 30% de la consommation d’électricité mondiale d’ici une dizaine d’années.
Composante majeure de notre vie numérique le mail est en constante croissance.
En France plus d’1,4 milliard de mails sont échangés chaque jour(hors spam).
22,7 millions de français se connectent ainsi quotidiennement à au moins un compte mail pour envoyer ou recevoir (Médiamétrie, janvier 2019).
Sachant qu’un mail de 1 Mo envoyé à une personne correspond à 20g de CO2 ou 6g de pétrole (Source ADEME Analyse comparée des impacts environnementaux de la communication par voie électronique 2011), sur la base de 20 mails par jour, cela représente annuellement par personne en émission de CO2 l’équivalent de 1000 km parcourus en voiture !
Toujours en France, dans une PME de 100 personnes chaque collaborateur traite plus de 90 mails par jour, il en envoie 33 parmi ceux-là (Source ADEME), nous vous laissons faire le calcul pour votre entité.
Le parcours d’un mail
Bien qu’en apparence virtuel le mail emprunte bien un parcours physique qui transite par du matériel dont la fabrication et l’utilisation quotidienne ont un impact écologique avéré (électricité, épuisement de ressources, terres rares, eau…).
De surcroît, ces infrastructures souvent redondantes tournent 24h/24 et 7jours/7.
L’impact du mail
3 paramètres principaux jouent ainsi sur l’impact environnemental des mails : le poids du message et ses pièces jointes, le nombre de destinataires, le temps de conservation ou de stockage du mail sur les serveurs.
C’est donc bien sur ces trois leviers principaux qu’il convient d’agir en premier.
Les bonnes pratiques de l’usager du mail
le mail le plus green est celui que l’on n’envoie pas
Tout comme le bon déchet est celui que l’on ne produit pas, le meilleur courriel est celui que l’on n’envoie pas. Posez-vous donc la question de l’utilité de cet envoi et également s’il n’y a pas d’autres moyens de communiquer ce que vous avez à dire.
Il existe des canaux de communication classiques à commencer par le face à face, le téléphone…et des plus modernes tels que les messageries instantanées et collaboratives d’entreprise moins consommatrices d’énergie.
Ne multipliez pas les destinataires si ce n’est pas nécessaire
Choisissez donc seulement les personnes concernées par votre sujet. Le « répondre à tous » n’est pas forcément adapté. L’urgence pour répondre à un mail n’est pas toujours requise non plus.
En clair, faites court
Dans vos rédactions soyez clairs et concis. Dans l’historique des fils de conversation pensez à supprimer ce qui n’est pas nécessaire y compris les pièces jointes.
Mettre un lien vers un fichier plutôt que le fichier lui même
afin de limiter les pièces jointes et d’alourdir votre message. Vous éviterez ainsi les limitations en taille de pièce jointe et la saturation des boites mails de vos destinataires.
Favorisez plutôt les services d’envois de fichiers lourds, avec des temps de récupération courts, pour limiter le temps de stockage (WeTransfer, Smash, Lufi, …) ou encore pour des utilisations de documents récurrentes demandez à votre hébergeur s’il propose du stockage en ligne ou des solutions de GED (Nextcloud…).
Optez pour le format texte pour vos envois
si vous en avez la possibilité et si cela ne dénature pas trop votre image, car le format texte pèse 12 fois moins que le format HTML. Il est ainsi 4 fois moins polluant (étude Green It).
Stockez les messages en local sur votre poste de travail
Ne les laissez pas sur le serveur inutilement car ils sont souvent redondés notamment pour des questions de sécurité.
Nettoyez votre boite mail
Supprimez les courriels inutiles, les indésirables et les spams, videz votre corbeille.
La suppression de 30 mails économise la consommation d’une ampoule allumée pendant 24h (source Cleanfox).
Un mail conservé pour rien c’est 10g de CO2, soit l’équivalent du bilan carbone d’un sac plastique.
Il faut prioriser également les mails que vous allez supprimer en sélectionnant les plus lourds puisque la quantité de données stockées a un impact écologique important.
Se désabonner des lettres d’informations que l’on ne lit plus ou pas
Certains outils existent pour rendre plus facile cette tâche, c’est ce que propose notamment Cleanfox.
Organisez vos dossiers pour classer vos mails
Utilisez une signature mail allégée informative et fidèle à la charte graphique de votre entreprise
N’imprimez que si nécessaire vos mails
Opérateurs, hébergeurs et fournisseurs tous acteurs de la sobriété numérique
C’est par sa structure que transitent les messages, il possède donc plusieurs axes d’action pour réduire l’impact écologique de ses services.
Par ailleurs, il a également un grand rôle à jouer dans la promotion des bons usages auprès de ses audiences.
Diminuer ses consommations électriques
Parmi les pistes d’amélioration à envisager le fournisseur devra :
- accroître la virtualisation de ses services car migrer l’hébergement d’un serveur physique vers une machine virtuelle c’est réduire de 90% son empreinte carbone (source https://www.greenit.fr / VM Ware).
- choisir ses équipements (serveurs, équipements réseau…) notamment pour leur performance énergétique. Le coût ne doit pas être le seul critère de choix. Un serveur qui consomme 1W de
moins représente un gain annuel de 13,6 kwh, la consommation d’un frigo A+ pendant 1 mois. - optimiser sa plate-forme afin de ne pas sur-consommer en la développant selon les besoins des clients. Cela permet d’avoir un taux optimal d’utilisation des équipements, tout en conservant un niveau d’élasticité inhérent au métier.
- utiliser du matériel basse consommation
- être à proximité géographique des utilisateurs pour limiter la distance entre le serveur et le poste client.
L’usager du mail n’a en effet aucun moyen de connaître précisément la localisation géographique des serveurs type Office365 ou Gmail.
Finalement, en optimisant sa plate-forme de Cloud computing l’hébergeur pourra réduire de 30% l’empreinte carbone d’un compte de messagerie (Etude Neutreo/Ademe/OVEA 2014).
Utiliser des énergies renouvelables
Le fournisseur, s’il en a la possibilité, doit faire monter progressivement la part d’énergie verte dans son mix énergétique.
EDF publie chaque mois le rapport kw/ CO2 du mix énergétique français.
En France, un kWh électrique produit environ 0,09 kg d’équivalent CO2 (Source https://www.rte-france.com/eco2mix).
Aux États-Unis ce mix étant différent, le CO2 dégagé d’un hébergeur américain est en moyenne trois fois plus important.
Face à de grands acteurs peu scrupuleux, d’autres ont fait le choix de la responsabilité. C’est notamment le cas de notre confrère opérateur américain Switch qui a reçu le prix Excellence aux Green Power Leadership Awards 2019, il a en effet été cité par Greenpeace pour son utilisation de sources d’énergie à 100% renouvelables pour tous ses datacenters.
Refroidir autrement ou réutiliser la chaleur dégagée
La climatisation des datacenters représente 50% de la consommation d’électricité. C’est pour cette raison que certains opérateurs délocalisent leurs équipements vers des zones de température froide pour mettre en œuvre le refroidissement naturel (free cooling).
D’autres vont réinjecter la chaleur produite vers d’autres structures proches (bureaux, immeubles, piscine…).
Tous les acteurs du Cloud n’ont pas forcément la main sur les infrastructures, ils doivent donc étudier d’autres pistes et faire preuve d’innovation pour minimiser leur impact.
Prolonger la durée de vie des matériels pour limiter la fabrication
Conserver son smartphone 2 ans de plus revient à réduire son bilan carbone de 30%.
La même philosophie peut être adoptée pour les matériels utilisés dans les datacenters (serveurs, routeurs, switchs…).
Ces matériels peuvent notamment être réutilisés pour des besoins moins critiques.
Enfin, en fin de vie le recyclage devient le geste vertueux indispensable.
Optimiser et affiner ses services
Des configurations SMTP spécifiques peuvent être mises en œuvre afin de s’assurer de la délivrance des mails quels que soient les destinataires, notamment eu égard aux politiques anti-spam rigides de certains opérateurs.
La bonne et justifiée livraison d’un mail est importante notamment face aux listes noires d’expéditeurs qui s’allongent. S’assurer de la légitimité d’un expéditeur permet d’optimiser en temps réel le service.
Les spams dans le monde émettaient déjà en 2008 autant de CO2 que 3 millions de voitures (Source McAfee / Rapport sur l' »impact écologique » lié aux 62 milliards de pourriels envoyés dans le monde en 2008).
Mettre en place des solutions complémentaires de défense prédictive de la messagerie, c’est s’assurer de la sécurité de ses utilisateurs. C’est aussi indirectement limiter l’impact carbone des mails intrusifs ou malveillants.
A terme, l’analyse prédictive, l’intelligence artificielle, la collecte et l’exploitation des données, devraient permettre l’avènement de services informatiques intelligents et donc plus performants d’un point de vue énergétique.
Eco-concevoir ses services
il faut adapter le service aux usages sans surdimensionner, en restant agile sur les besoins de ressources des clients.
Ainsi l’allocation de ressources en stockage pour une boite mail peut provenir d’une autre boite mail de la même entité qui n’utiliserait pas son quota. Cette agilité est aussi source d’économie avérée pour les clients.
Mesurer pour optimiser
Un monitoring poussé permettra de mieux piloter les performances énergétiques de l’infrastructure.
Il faudra donc installer de manière systématique des outils de métrologie sur les équipements de la plate-forme. Cela permettra d’avoir un suivi très fin de l’évolution des consommations d’énergie.
Prôner des comportements responsables et sensibiliser aux bonnes pratiques ou aux bons réflexes ses clients
Le fournisseur peut mettre en place un système d’alerte pour son client lorsque celui-ci a atteint son quota.
Il peut l’inciter à trier régulièrement sa boite mail, vider sa corbeille, ses dossiers d’indésirables.
Il en va autant de son conseil que de sa responsabilité.
Il peut mettre à disposition également des tableaux de bord de suivis de consommation et de dégagement estimé de CO2 afin de l’accompagner dans sa gestion raisonnée et dans ses progrès.
A l’arrivée ce sera autant d’économie réalisée que d’impact carbone limité.
Il entraîne de la fabrication de matériel, donc de l’épuisement de ressources, du dégagement de CO2 de façon permanente et semble suivre une croissance ininterrompue dans le monde professionnel.
Il implique à la fois les usagers, les entreprises, les fournisseurs dans une chaîne où les responsabilités doivent être collectives.
Agir ensemble pour limiter les impacts devient urgent.
Comme l’envisage et le propose le think tank The Shift Project le scénario de la sobriété numérique permettrait de limiter la croissance de la consommation énergétique du numérique à 1,5% au lieu des 9% actuels, qui ne seront de toute façon plus soutenables d’ici peu.
Comme l’envisageait un article du Figaro, « Et si demain, ne pas nettoyer sa boîte mail devenait aussi condamnable que de ne pas faire son tri sélectif, de laisser couler l’eau sous la douche ou encore de ne pas éteindre la lumière en sortant d’une pièce? »